La future usine de paracétamol à Toulouse, portée par la start-up Ipsophène, est en pleine gestation. Après avoir bouclé le financement, la jeune pousse est mobilisée par la remise en état de la friche industrielle qui accueillera ses activités.
Alors que des doutes ont existé sur la pérennité du projet Ipsophène à Toulouse, le chantier de cette future usine de paracétamol français semble en bonne voie : « Nous avons reçu sur site les premiers éléments de la future ligne de production. C’est une étape importante dans la concrétisation de notre projet », clame Jean Boher, le président d’Ipsophene, auprès de La Tribune.
Dans le même temps, l’entrepreneur envisage un lancement de la production en 2025, pour un projet qui n’avait été dévoilé qu’à l’été 2023. Pour ce faire, la start-up immatriculée sur la commune de Saint-Orens (Haute-Garonne) mise sur le recyclage d’une friche industrielle à Toulouse, située à proximité du secteur de l’Oncopole, pôle d’activités majeur de la Ville rose dédié aux activités pharmaceutiques.
« Nous avons récupéré un bâtiment désaffecté sur le site d’ArianeGroup. Cela nous permet d’aller plus vite concernant la durée des travaux, mais aussi dans les démarches administratives car le site est déjà classé Seveso. Tout cela nous permet de réduire d’environ 24 mois les délais », expose le dirigeant.
Après avoir démantelé l’ancienne ligne de production industrielle, la rénovation des installations électriques a déjà été réalisée et la petite centaine de personnes mobilisées par le projet industriel est désormais engagée dans « le gros second oeuvre industriel ».
Une technologie de production sans discontinuité
Mais les 80 personnes mobilisées sur le chantier ne verront pas le bout du tunnel une fois l’usine livrée. Le projet aura réellement abouti lorsqu’il obtiendra le certificat de conformité de la pharmacopée européenne aussi appelé « CEP », qui reconnaîtra alors pleinement Ipsophène comme fabricant pharmaceutique.
« Pour obtenir ce CEP, nous allons devoir produire sans s’arrêter une fois l’usine prête, mais sans pouvoir commercialiser et diffuser notre production. C’est un processus très long, qui peut prendre 12 à 18 mois », fait savoir Jean Boher.
En 2025, Ipsophene table sur une production de 1.000 tonnes de paracétamol. Puis, la start-up toulousaine envisage une montée en puissance progressive pour atteindre les 4.000 tonnes à la fin de l’année 2026. Pour faire son trou sur un marché dominé par la concurrence asiatique, le nouvel acteur du « made in France » mise sur un procédé de production en continu et surtout, une production pharmaceutique respectueuse de l’environnement.
« Nous travaillons encore sur la boucle de recyclage avec l’idée que tous nos solvants et sous-produits soient recyclés. Nous ne voulons aucun déchet. Quant à l’eau, sa consommation sera marginale et surtout elle sera constamment réutilisée. Pour avoir une industrie française et européenne pérenne, elle se doit d’être durable et éco-responsable », estime le dirigeant.
Selon la convention de prêt entre la Région Occitanie, qui soutient ce projet industriel, et Ipsophène, la technologie de production en continu de celle-ci augmente considérablement la productivité grâce à quatre brevets détenus par sa société mère Ipsomédic. L’entreprise s’engage notamment, dans ce document, à une production de déchets inférieure à 20 kilos par kilo de produit fini.
Ipsophène, mais pas que
Avec une enveloppe d’investissement évaluée à une trentaine de millions d’euros, Jean Boher s’attend à un retour sur investissement « sur trois à cinq ans », selon la montée en puissance de l’usine bien qu’il assure avoir déjà des clients. Parmi eux, et pas des moindres, Ipsophene a déjà le soutient du laboratoire UPSA, comme client mais aussi et surtout comme actionnaire depuis un peu plus d’un an.
« UPSA a résolument fait le choix du Made In France dans sa stratégie industrielle et logistique », rappelle le fabriquant basé du côté d’Agen (Lot-et-Garonne).
D’autres investisseurs ont fait le choix de croire au projet d’Ipsophene, comme Agora Invest, GSO Innovation ou encore l’agence régionale des investissements stratégiques (l’Aris). Face à l’enjeu de souveraineté qui entoure cette future usine, l’État devrait venir prochainement au soutien de la start-up toulousaine avec une subvention du plan France 2030.
En France, d’autres projets de production de paracétamol sont en gestation, comme celui de Seqens dans l’Isère ou encore celui du Lyonnais Benta, qui depuis quelques mois peut commercialiser son paracétamol en comprimé de 500 mg. Et ce malgré les interrogations autour des prix de vente de ces médicaments.
« L’État doit favoriser le remboursement des médicaments produits en France, au détriment de ceux produits en Asie, avec, pourquoi pas, un système de bonus-malus. Un paracétamol français, c’est à peine quelques centimes de plus qu’un paracétamol asiatique », appelle de ses voeux Jean Boher.
UPSA, en tant qu’acteur majeur et emblématique de la filière pharmaceutique, « fortement attaché à la souveraineté sanitaire et industrielle, demande à ce que la tarification des médicaments matures intègre le critère de leur production en France », avait aussi demandé le laboratoire dans un communiqué en fin d’année 2023.
Source : La Tribune