Genoway, spécialiste lyonnais des modèles de recherche génétiquement modifiés pour les tests pharmaceutiques, qu’il s’agisse d’animaux ou de lignées cellulaires, poursuit le sur-mesure mais développe les modèles catalogues qui pourraient décupler ses marchés.
Ce n’est pas une page qui se tourne, mais une activité qui s’étoffe. Fondé en 1999 à Lyon (Rhône) et employant aujourd’hui 140 salariés, Genoway a fait des modèles catalogue une de ses priorités de développement. Spécialiste des modèles animaux génétiquement modifiés, essentiellement des souris mais aussi des rats, l’entreprise avait déjà diversifié son activité en ajoutant les modèles cellulaires à son portefeuille, mais en pratiquant toujours le sur-mesure : il concoctait des modèles spécifiques aux besoins des laboratoires pharmaceutiques, des entreprises biotechnologiques et de la recherche universitaire.
Ces dernières années, Alexandre Fraichard, directeur général et fondateur de Genoway, évoque une « croissance plafonnée », qui n’a pas permis à la société de percer vraiment le plafond des 10 millions d’euros de chiffre d’affaires. Les modèles catalogue doivent lui permettre de changer la donne. « L’élément important, c’est la durée de mise à disposition du modèle. C’est un vrai sujet pour l’industrie », note Alexandre Fraichard. Produire un modèle cellulaire requiert « de 6 à 12 mois », et cela peut aller « jusqu’à 9 ou 18 mois pour un modèle animal », souligne le dirigeant. Or, les laboratoires pharmaceutiques et biotechnologiques sont dans une course perpétuelle pour avancer leurs programmes de R&D, donc une mise à disposition plus rapide est un atout évident. Reste que sur catalogue, si les modèles sont plus rapidement disponibles, ils sont forcément moins innovants car ils ont déjà été développés pour d’autres. Cela représente toutefois un avantage car le modèle est ainsi déjà validé.
Approche me-too
Alexandre Fraichard relève aussi que « les pharma et les biotechs procèdent de plus en plus à des investissements avec une approche me-too ». Ce qui n’a rien à voir avec le mouvement actuel de dénonciation des violences sexuelles et sexistes, mais fait référence au fait que les laboratoires ont une tendance à s’engager dans des voies thérapeutiques parfois très spécifiques dès que cela semble fonctionner. Tout modèle déjà validé et disponible devient un atout, même s’il est moins innovant.
Ouvertures à de nouveaux marchés
Autre avantage pour Genoway, le catalogue ouvre l’accès à d’autres clients. Benjamin Bruneau, directeur administratif et financier évoque « deux typologies de clients ». D’abord « les CRO (sociétés de recherche clinique sous contrat, ndlr) qui mènent les études que le pharma ne veut pas faire en interne. Les CRO n’achètent pas de modèle à façon, mais sur catalogue, oui. Ils deviennent des clients potentiels avec un vrai pouvoir de prescription, cela ouvre un énorme marché ». Il cite ensuite les distributeurs, qui permettraient à Genoway d’adresser d’autres marchés que ceux, européen et nord-américain, déjà très imposants pour l’entreprise, comme l’Asie. Ou des « marchés plus petits, comme l’Afrique du Sud, Israël ou le Brésil, où nous pourrions nous appuyer sur des partenaires locaux ».
Au final, Genoway estime que le marché catalogue serait au moins dix fois plus important que celui du sur-mesure. Actuellement, le marché total des modèles animaux, qui sont indispensables car aucun médicament ne peut être testé chez l’homme avant d’avoir été validé sur animal, représenterait environ 2 milliards d’euros par an. 80% des ventes concernent les animaux non transgéniques. Sur les 20% restants, cœur de cible de Genoway, 5% seraient du sur-mesure, contre 15% en prêt-à-l’emploi.
32 modèles début 2022, 10 millions d’euros de ventes en 2024
Les premiers développements sont en tout cas prometteurs pour Genoway. L’entreprise a commencé à se positionner dès 2016-2017 et dénombrait 5 modèles catalogue à fin 2019. Chiffre passé à 13 l’an passé, qui devrait doubler avant la fin 2021 et atteindre 32 modèles au premier trimestre 2022. En termes de ventes, cette activité est passée d’environ 900 000 euros en 2017 à 4,8 millions d’euros en 2020 et devrait se situer autour de 7 millions d’euros pour l’exercice 2021. A horizon 2024, cette activité devrait ainsi atteindre les 10 millions d’euros, soit un tiers du chiffre d’affaires ciblé.
Licences CrispR/Cas9
Le deuxième tiers sera représenté par l’activité des modèles sur mesure, ainsi que l’octroi de licences. Genoway dispose d’une licence exclusive sur les rongeurs pour la technologie CrispR/Cas9, les ciseaux moléculaires qui ont valu en 2020 le prix Nobel de chimie à la française Emmanuelle Charpentier. Une exclusivité qui lui permet d’octroyer elle-même des sous-licences pour la recherche clinique sur rongeurs. Le 13 décembre, Genoway a ainsi annoncé avoir accordé une licence CrispR/Cas9 au principal financeur de la recherche publique anglaise, lui permettant de distribuer aux laboratoires académiques et de vendre aux laboratoires pharmaceutiques des modèles de recherche et des services précliniques.
Une souris au système immunitaire humain
Enfin, le troisième et dernier tiers du chiffre d’affaires est envisagé dans les activités de la souris BRGSF pour la recherche en immuno-oncologie, axe prioritaire de la pharma avec la possibilité de stimuler le système immunitaire pour lutter contre les cancers. Dans ses modèles animaux, Genoway peut intégrer des séquences génétiques humaines, des protéines ou même greffer des cellules. Comme le souligne Alexandre Fraichard, « plus le modèle va mimer la physio-pathologie humaine, plus les résultats sont pertinents ». La souris BRGSF est présentée comme le modèle immuno-déficient le plus avancé au monde. Ce rongeur naît en l’absence de tout système immunitaire et les technologies de Genoway permettent de développer, dans la souris, un système immunitaire humain. Offrant des perspectives particulièrement intéressantes pour les chercheurs en immuno-oncologie, qui peuvent ainsi tester des molécules en développement face à des cancers sur des systèmes immunitaires humains au sein même d’un modèle animal, en amont des essais cliniques sur l’homme.
Source : Usine Nouvelle