Le géant pharmaceutique français a enclenché la scission de son pôle de production de principes actifs, qui se classe parmi les tous premiers acteurs mondiaux de la spécialité. Concrètement, Sanofi va attribuer à ses actionnaires des titres Euroapi sous forme de dividende exceptionnel en nature, et ne conservera plus lui-même que 30% du capital. L’Etat français détiendra 12%.
Pour accéder à la souveraineté européenne en matière de santé, dynamiser l’innovation thérapeutique en facilitant la mise au point de nouveaux médicaments ne suffit pas. Encore faut-il être ensuite capable de produire de façon autonome les principes actifs pharmaceutiques, c’est-à-dire les molécules apportant au médicament son efficacité (l’autre ingrédient d’un médicament étant l’excipient, qui lui donne sa forme).
Or au fil des années, l’Europe est allée « trop loin » en matière de délocalisation de la fabrication de principes actifs, surtout pour des molécules banales comme le paracétamol ou l’ibuprofène, ainsi que l’avait lui-même noté le patron de Sanofi France en 2020.
Le groupe pharmaceutique tricolore avait alors annoncé son projet de réunir ses actifs de production de principes actifs au sein d’une nouvelle entité indépendante, capable d’attirer d’autres investisseurs, d’améliorer sa rentabilité et développer son assise commerciale en s’émancipant de Sanofi, sachant que les ventes à des tiers ne représentent encore que la moitié du chiffre d’affaires. L’horizon d’une cotation en Bourse en 2022 est respecté puisque Sanofi a donné vendredi le coup d’envoi du processus d’introduction d’Euroapi, le nom de cette nouvelle société.
Une expérience de plus de 150 ans
Euroapi, qui bénéficie via son actuelle maison mère d’une expérience de plus de 150 ans sur le marché des principes actifs pharmaceutiques, s’appuie sur un ensemble de six sites de production et de centres de développement tous situés en Europe (dont Vertolaye et Saint-Aubin-lès-Elbeuf en France, Francfort en Allemagne, Ujpest en Hongrie, Brindisi en Italie et Haverhill au Royaume-Uni) ainsi qu’une organisation chargée de la commercialisation de ses produits présente sur tous les continents.
Le marché mondial des principes actifs se compose de deux grandes catégories. D’une part les « petites molécules » (essentiellement les médicament à prise orale, soit les molécules de synthèse chimique ainsi que les molécules biochimiques issues de procédés de fermentation) et d’autre part les « grosses molécules », dites aussi molécules complexes, telles que les peptides et les oligonucléotides (correspondant schématiquement aux biothérapies injectables)
Euroapi, qui a réalisé au total l’équivalent de 900 millions d’euros de revenus l’année dernière, estime ainsi être, en termes de chiffre d’affaires, le deuxième fabricant mondial de principes actifs pharmaceutiques (le premier sur le segment des petites molécules) avec plus de 500 clients allant des plus grands laboratoires mondiaux de l’industrie pharmaceutique (dont Sanofi à hauteur de près de 49% du chiffre d’affaires global aujourd’hui), des fabricants de médicaments génériques, des fabricants de produits de santé animale, des acteurs de la santé grand public et de la nutrition ou encore des sociétés de biotechnologies.
La firme estime également être le numéro sept sur le segment du CDMO (Contract Development and Manufacturing, où Euroapi ne se contente pas de livrer des ingrédients de son catalogue, éventuellement disponibles chez d’autres fabricants, mais où il fabrique et parfois même conçoit un principe actif innovant pour un client qui en détient l’entière propriété intellectuelle). L’ambition est de parvenir au top 5 de ce segment, à forte croissance et forte marge, d’ici 2025, en profitant notamment de la clarification de sa prise d’indépendance vis-à-vis de Sanofi.
Pas de dividendes avant 2025
Euroapi anticipe que le marché non-captif (hors CDMO) du développement des procédés et de la fabrication des API croisse à un taux moyen de 6% à 7% par an jusqu’en 2024 tandis que le marché du CDMO devrait croître à un taux annuel moyen de 7% à 8% sur la même période.
Sur la base d’une croissance organique (hors croissance externe et initiatives de relocalisation d’API), Euroapi vise à atteindre environ 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires consolidé en 2022 dont 25 à 30% dans l’activité CDMO. D’ici à 2025, le groupe vise un taux de croissance annuel de son chiffre d’affaires compris entre 6% et 7%, dont environ 35% provenant de ses activités CDMO, tandis que le poids relatif de Sanofi dans le chiffre d’affaires devrait être ramené entre 30 et 35% à cette horizon (autrement dit la croissance des ventes aux tiers sera supérieure à la croissance moyenne du marché). Le groupe entend également améliorer la marge de « Core Ebitda » pour qu’elle soit égale ou supérieure à 14% en 2022 et supérieure à 20% d’ici à 2025 (contre 12 % en 2021).
Privilégier, à court terme et moyen terme, le réinvestissement des flux de trésorerie générés par son activité pour soutenir sa stratégie de croissance, la firme ne prévoit pas de distribuer de dividendes avant 2025 (au titre de l’exercice 2024). Euroapi compte investir à terme environ 10% de ses revenus, avec un budget d’investissement total sur la période 2022-2025 d’environ 510 millions d’euros.
La scission se passera via la distribution par Sanofi d’une action Euroapi pour 23 actions Sanofi détenues en portefeuille à la date du 9 mai 2022 (sans démarche à faire pour l’actionnaire, la livraison effective sur le compte étant prévue le 10). Euroapi sera préalablement admis à la cotation dès le 6 mai.
Au terme de l’opération Sanofi ne détiendra plus que 30% d’Euroapi, et s’engage à ne pas céder de titres supplémentaires avant deux ans. L’Oréal, qui en tant que premier actionnaire de Sanofi (près de 10% des parts) sera mécaniquement le principal bénéficiaire de la distribution, s’est engagé à ne pas céder de titres avant un an pour sa part.
« Ce premier pas vers notre cotation en bourse est une étape importante pour Euroapi et s’inscrit dans le déploiement de notre stratégie et de notre indépendance vis-à-vis de Sanofi, qui restera un partenaire stratégique de long terme. Ce projet nous permettra d’asseoir notre leadership sur le marché des API en accélérant le développement de nos activités CDMO, offrant à nos clients l’accès à l’ensemble de nos plateformes technologiques et en tirant le meilleur de notre portefeuille d’API complexes et différenciés », a déclaré Karl Rotthier, le directeur général de la société. « EUROAPI entend renforcer ses capacités de développement et de fabrication d’API en Europe au service de ses clients dans le monde. Le Groupe est convaincu qu’il est aujourd’hui bien positionné pour capter la croissance future de ce marché dynamique », a-t-il ajouté.
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