Avec l’inauguration de son nouveau siège de 300 salariés à Artigues-près-Bordeaux, Dedalus rejoint les grandes entreprises qui décident de « délocaliser » leur vaisseau amiral en région. Dans un bâtiment de 3.000 m2, le géant européen des logiciels de santé mise tout sur une nouvelle organisation du travail où la flexibilité est poussée à l’extrême.
Les salariés de Dedalus à Artigues-près-Bordeaux ne disposent pas de bureau attitré, si ce n’est celui de leur domicile personnel.
On n’a presque jamais vu de bureaux si impersonnels. Aucun écrito n’indique le nom de l’occupant de la pièce où vous entrez. Dans les locaux du groupe international de e-santé Dedalus, à Artigues-près-Bordeaux, les couleurs sont claires, le style épuré et les modules de travail partagés entre espaces collaboratifs et bureaux tournants. Bienvenue au royaume du « flex office ». Les bureaux y sont à la fois à tout le monde et à personne, changeant de collaborateurs au gré des réunions à l’ordre du jour.
« Il y a une nouvelle règle dorénavant : le travail individuel se fait en télétravail, le travail en groupe se fait ici » présente Emmanuel Mougeotte. Le directeur général de Dedalus France a inauguré ce 16 mars le nouveau siège social de la filiale française du géant italien spécialiste des logiciels de gestion des dossiers de santé des patients. Une façon d’appuyer la réussite du groupe évidemment, dont le chiffre d’affaires de 800 millions d’euros dans le monde pour 115 millions en France a été multiplié par 10 en cinq ans, mais aussi de prouver que le « monde d’après » signifie bien quelque chose.
Les confinements ont fait surgir une grande inquiétude chez les dirigeants : « la productivité de nos collaborateurs va-t-elle chuter ? » Chez Dedalus, elle s’est au contraire accrue dans certaines équipes. Selon les mots de son directeur général, « la pandémie a transformé notre méthode et notre organisation du travail. Nous devions répondre aux nouvelles attentes. » Quitte à y aller à fond.
Argument de recrutement
Avec trois millions d’euros d’investissements et huit mois de travaux, le groupe a pu mener la rénovation d’un bâtiment de 3.000 m2 situé à proximité immédiate de la rocade bordelaise. Il s’agit des anciens locaux d’Agfa Health Care, entreprise de la e-santé rachetée en 2020 par Dedalus. Tout l’aménagement a été pensé pour l’organisation d’un travail en équipe, orchestré dans l’espace et dans le temps. En amont, le groupe a mis sur pied un accord d’entreprise qui rend possible le télétravail jusqu’à quatre jours par semaine. Une certaine vision du rêve pour les adeptes du bureau à la maison ; une angoisse pour les amoureux de la camaraderie au travail (quand elle existe). Avant cette refonte, le taux d’occupation des bureaux de l’entreprise n’atteignait que 40 %.
Les 300 salariés mobiles de Dedalus employés à Artigues se sont en tout cas approprié cette nouvelle configuration. Cohérent pour une entreprise œuvrant pour la numérisation. Mais cette liberté au travail est aussi une demande forte chez les nouvelles générations. Donc un atout pour recruter. À tel point que la filiale France a décidé d’ériger ce bâtiment symbole de la flexibilité du travail en tant que nouveau siège, auparavant implanté au Plessis-Robinson en région parisienne. Une régionalisation de l’activité qui séduit forcément le président néo-aquitain Alain Rousset, fan de la décentralisation, beaucoup moins de ce « flex office » très en vogue. « Vos équipes ne seront pas mieux ailleurs », a-t-il glissé lors de l’inauguration.
Tout en saluant une vision globale sur les enjeux de santé portée par Dedalus, le président de l’exécutif régional a rappelé la nécessité de maîtriser « toute la chaîne de valeur dans le domaine de la santé. » C’est d’ailleurs l’objet d’une feuille de route dédié adoptée par le conseil régional début mars. De son côté, le développeur de solutions logicielles propose à ce titre des outils capables de regrouper et centraliser les données des patients issues de multiples sources (médecine libérale, hospitalière, spécialisée, de laboratoire…) et de faciliter la prise en charge par les professionnels de santé.
Viser la médecine de ville
De nombreux logiciels du genre se sont développés ces dernières années, comme ceux de son concurrent direct Maincare, alors que les rachats se sont enchaînés dans le domaine de la e-santé. Et pendant ce temps, la France et l’Europe ont peiné à faire émerger des géants en la matière. « La souveraineté sur les données de santé se jouera au niveau européen. Si on ne s’y attèle pas maintenant, dans dix ou quinze ans il n’y aura que des acteurs américains. Ou chinois », agite Emmanuel Mougeotte. Avec plus de 7.000 salariés, Dedalus revendique la place de quatrième groupe mondial pour les logiciels de santé. Il souhaite recruter 150 à 200 personnes cette année sur des postes de développement logiciel et de service clientèle.
Un quart des salariés de la filiale française est localisé à Artigues, tandis que le groupe, doté de dix antennes en France, possède également des bureaux à Poitiers et à Bidart. Alors que ses principaux clients sont des centres hospitaliers et des laboratoires, Dedalus veut s’attaquer à un nouveau marché : celui de la médecine de ville et de la médecine libérale. Le groupe participe, au côté de ses concurrents, au programme Ségur du numérique en santé qui prévoit la modernisation des logiciels pour collecter les données des patients. Une nouvelle stratégie qui va s’orchestrer à proximité de Bordeaux, où Dedalus n’était pas présent avant 2019. Et dont les collaborateurs, désormais, opèrent de façon flexible, en mode libre ou fantôme, c’est comme on veut.
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