Thomas Clozel a cofondé Owkin pour révolutionner et augmenter la recherche pharmaceutique, grâce à l’intelligence artificielle. Son mantra : comprendre d’où viennent les maladies pour mieux les soigner.

Thomas Clozel est médecin de formation. Il a fait une partie de ses études aux Etats-Unis, à l’université de Cornell, dans l’Etat de New York. De retour en France, il travaille à l’hôpital Henri Mondor à Créteil. A l’époque, les mondes de la médecine et de la tech commençaient à se mélanger de l’autre côté de l’Atlantique. Pas dans l’Hexagone.

Tout va changer après sa rencontre avec l’ingénieur Gilles Wainrib, maître de conférences à Normale Sup. Ensemble, il y a sept ans, ils décident de créer Owkin, une start-up franco-américaine. Leur objectif : développer une Tech Bio, une entreprise d’intelligence artificielle, qui essaye de « retourner la biotech comme un Flamby » en utilisant une plateforme technologique.

Dans ce nouvel épisode de DeepTechs, le podcast de Challenges, il nous parle de médecine de précision et de détection de cancers grâce à l’intelligence artificielle. « L’IA accélère et augmente la recherche médicale, elle la rend plus précise », aime dire le cofondateur d’Owkin.

Réinventer la recherche médicale

Son ambition : réinventer le futur de l’industrie pharmaceutique, remplacer les boîtes classiques, les fameuses Big Pharma. Owkin est la première licorne française dans cet univers, valorisée 1,5 milliard d’euros après avoir levé 330 millions auprès notamment de Google Ventures. Elle emploie déjà 350 personnes. Le raisonnement de Thomas Clozel est simplissime. L’intelligence artificielle change tout, elle aide la recherche médicale à être plus efficace. Aujourd’hui le développement d’un médicament, c’est 10 ans de recherche, un budget d’un milliard d’euros avec 10 % de chances de succès.

Dans cette nouvelle industrie de la Tech Bio, on trouve surtout des ingénieurs, des data scientists, des spécialistes de l’IA. Les médecins sont une minorité. Owkin compte ainsi 120 data scientists et ingénieurs logiciels, tous basés à Paris. C’est le plus gros contingent de data scientists en Europe avec Google Deepmind. L’équipe est d’ailleurs dirigée par Jean-Philippe Vert, qui avait fondé l’équipe de Google Brain à Paris.

Comprendre d’où vient la maladie

Owkin fait de l’IA générative qui connecte toutes les étapes de la biologie en utilisant les données des hôpitaux américains et européens pour les transformer en savoir. Avant de faire les molécules, il faut comprendre d’où viennent les maladies, résume Thomas Clozel. « Il y a aujourd’hui beaucoup de cancers auxquels on ne comprend rien », insiste-t-il. Point important : toute la data utilisée reste sur les serveurs des hôpitaux partenaires et la start-up a développé une technologie permettant de protéger efficacement ces données.

Owkin a déjà dépensé plus de 100 millions d’euros en accès de données, comprenant les serveurs et les logiciels. Elle essaye de développer un modèle très vertueux avec les hôpitaux, générant des nouvelles données que ceux-ci n’ont pas les moyens de générer, comme de la donnée génétique très profonde. En échange Owkin obtient la propriété intellectuelle des résultats. Et les hôpitaux peuvent évidemment utiliser ces résultats pour leur propre recherche.

A terme, la start-up veut développer à la fois des médicaments, à haut débit, et des outils de diagnostic. But ultime : « Remplacer les grosses pharmas dont le modèle est dépassé et qui dépendent souvent d’un seul médicament. Aujourd’hui, elles sont devenues des boîtes de M & A. »

Source : Challenges