Le groupe Axyntis a réussi à tourner la page de l’année 2022, marquée par la mise en redressement judiciaire de son usine de Calais. Solidement ancré sur trois piliers industriels et son savoir-faire dans la pharma, l’ETI cherche à se développer dans de nouveaux domaines dont la cosmétique, des prestations de CRO, ainsi que la formulation et le conditionnement pour mettre à profit tout le potentiel de ses installations.
L’année 2023 a été particulièrement intense pour Axyntis. Créée en 2007, l’entreprise de chimie fine a dû redéfinir sa feuille de route, après avoir traversé une année 2022 noire. S’appuyant désormais sur trois localisations – à Pithiviers (Loiret), à Grasse (Alpes-Maritimes) et à Saint-Marcel (Eure) -, son p-dg David Simonnet peut annoncer avec satisfaction que son groupe réalisera plus de 60 millions de chiffre d’affaires en 2023, avec un effectif de 260 personnes. Et l’année prochaine, il sera en mesure de dépasser les 80 M€ de chiffre d’affaires avec près de 300 salariés, retrouvant son niveau d’activité d’avant 2020, alors qu’il avait deux usines supplémentaires dans son périmètre.
Parmi les tempêtes que le groupe a traversées, il y a la fermeture de son site de Calais (Pas-de-Calais). « Depuis, ses débuts, Axyntis s’est structuré autour de huit acquisitions. La reprise d’actifs de 3M a été particulièrement positive. En revanche, nous avons essuyé un échec avec Calais », analyse David Simonnet. Le dirigeant s’était pourtant engagé pour tenter d’alimenter le site, repris en 2013, qui avait appartenu à Tessenderlo. C’était sans compter sur les échecs en phase III de deux produits dont Axyntis suivait le développement, en 2022. « Calais était en sous-activité, lorsque nous avons repris cette usine en liquidation en 2013. C’était pour ces deux produits, les plus prometteurs en termes de potentiel de croissance, que l’on conservait encore le site, ces dernières années », explique le dirigeant.
Autre déconvenue, les financements pour accompagner le rebond des industriels pendant et après la crise Covid. Au lieu de faire appel uniquement aux PGE (Prêt garanti par l’État), Axyntis a misé sur un mécanisme moins connu, un système de financement de commandes garanti par l’État, qui lui avait permis de bénéficier de 6 millions d’euros sur 2021 et 2022. Ce mécanisme n’ayant pas été reconduit par l’État, Axyntis a été contraint de rembourser l’intégralité du montant en 2022. « Comme si tous les bénéficiaires de PGE avaient dû en rembourser le capital », explique David Simonnet.
Enfin, le projet lancé en 2021 avec la société américaine Innova Medical Group a fait long feu. Axyntis devait participer à la production journalière de 1 million de kits de tests anti-covid dans les salles blanches héritées de 3M, sur son site de Pithiviers. L’Américain devait prendre en charge l’investissement, tandis qu’Axyntis devait assurer le rôle de sous-traitant gérant les salariés et les outils de production. Malgré un référencement dans des centrales d’achats publics, ces tests made in France n’ont pas trouvé leur marché. Aucune commande publique n’a été engagée, privilégiant le coût plutôt que la proximité.
Dans ce contexte difficile, le groupe a toutefois franchi une première étape dans son redéploiement : en 2022, le groupe a cédé son site de Montluçon au groupe Séché. L’opération était stratégique, tant pour Axyntis que pour l’acquéreur. « Un cas de figure idéal », estime David Simonnet. Depuis, le groupe a repris son destin en main, avec le départ de son actionnaire japonais, à hauteur de 50 %, Fuji Silysia, suite au rachat de leurs titres afin de faciliter l’ouverture du capital. « Je suis en phase active pour la recherche d’un partenaire industriel et financier qui nous permettra d’entamer un nouveau cycle de développement », confesse le dirigeant, en cette fin 2023. À ce jour, près d’une dizaine de marques d’intérêt ont été reçues par le groupe.
Un développement en CDMO et dans les marchés non pharma
Et parmi ces mouvements stratégiques, il y a une volonté de diversification au-delà du marché pharma. Historiquement présent dans la pharma et l’électronique, le groupe regarde dans d’autres directions, dont la cosmétique ou l’extraction de métaux. « La chimie reste assez identique. Il s’agit de synthèses multi-étape qui nécessitent des process complexes, avec des exigences en matière de qualité et d’HSE. Les audits clients restent exigeants au même titre que ceux des agences dans la pharma », explique le dirigeant. L’objectif est d’accélérer cette diversification pour atteindre le 50/50 entre les molécules pharma et non pharma. Axyntis cherche aussi à démultiplier des projets CRO et CDMO, sur le modèle de son partenariat, depuis 2013, avec Provepharm dans la production de bleu de méthylène avec un atelier dédié. Pour soutenir ces nouvelles activités, en plus de ses laboratoires de R&D et de développement analytique, Axyntis dispose d’un kilolab GMP qui peut aussi mettre en œuvre des hydrogénations, tandis qu’il dispose de deux ateliers GMP dédiés à des phases pilotes.
Pour revenir aux capacités de production de chimie fine du groupe, elles se partagent désormais entre celles d’Orgapharm, à Pithiviers – avec deux sites de production distincts – et celles de Centipharm, à Grasse (Steiner à Saint-Marcel étant dédiée au marché des colorants industriels). Et c’est un véritable renouveau qui se dessine pour ces entités de chimie fine. Elles peuvent désormais absorber toute la croissance du groupe. D’ailleurs, Pithiviers et Grasse qui fonctionnaient en 3/8 passent à un équivalent de 5/8, tandis que les investissements capacitaires sont de retour. Cet été, Orgapharm a pu redémarrer deux lignes de production, tandis que Centipharm en a redémarré une. « On a triplé notre carnet de commandes et nos activités en un an, à Grasse et à Pithiviers. Tout cela est très positif mais, en même temps, on se heurte à la difficulté à trouver des candidats pour la production », s’inquiète le dirigeant qui évoque également les injonctions contradictoires des autorités auxquelles doit faire face son secteur d’activité. Il pointe le durcissement des exigences pour une maîtrise accrue de la qualité et de la sécurité, alors que l’on veut réindustrialiser le pays, qui impose des surcoûts, sans compter les niveaux élevés des impôts de production ou de l’énergie qui perdurent par rapport aux autres pays européens. Par ailleurs, pendant plus de dix ans, dans un contexte de désindustrialisation auquel ils s’étaient résignés, les pouvoirs publics ont fermé des lieux de formation, alors que pour une parfaite maîtrise en matière de QHSE, il faut des collaborateurs bien formés, et cela prend du temps. « Nous avons décidé de lancer notre propre programme de formation (voir encadré) et mobilisé nos collaborateurs les plus expérimentés dans un programme de « compagnonnage » », poursuit le dirigeant.
S’il est difficile de trouver des opérateurs de production, le groupe n’a cependant rien perdu de son attractivité. Il vient d’accueillir au sein de sa direction générale un nouveau directeur industriel, Jean-Pierre Diehl, qui a exercé chez Minakem, Uquifa et M2i. Un ancien de Sanofi et Piramal, Nicolas Tremaudeux, a pris la fonction de directeur CDMO. S’interrogeant sur le sens de ce redéploiement et malgré les critiques sur sa gestion de Calais, auxquelles il a répondu lors d’une audition au Sénat, en fournissant récemment directement des pharmaciens-formulateurs en Flécainide, médicament en rupture, David Simonnet rappelle la raison d’être du groupe, son ADN depuis 2007, fournir aux patients via ses clients des réponses de proximité en solutions thérapeutiques.
Pithiviers, un site rempli de projets
Le site de Pithiviers est une immense plateforme de 10 hectares, qui abrite en réalité deux usines distinctes ayant appartenu dans le passé à Merck et 3M Santé, partageant les mêmes services généraux (pôle qualité, maintenance, entre autres). Cette particularité lui permet de proposer des back up de production pour des clients souhaitant sécuriser leurs fabrications sur deux outils industriels différents. Sur ses deux zones, la plateforme abrite une dizaine de bâtiments de synthèse et de finition, ainsi que d’importantes installations de R&D ainsi que de contrôle qualité et de développement analytique. À cela s’ajoute une unité de microbiologie.
Pithiviers a aussi la particularité de posséder des compétences en chromatographie préparative, à travers l’activité Kyrapharm, incluant un savoir-faire en greffage de silices. Axyntis compte dynamiser cette activité, notamment en la couplant avec une chimie high potent, qui bénéficie déjà d’un atelier dédié prêt à être relancé. Reste à exploiter l’espace de salles blanches de 5000 m2 que devait occuper l’américain Innova Medical Group pour la production de tests anti-Covid. Axyntis a toujours l’intention de lui redonner sa vocation première : une activité de formulation et de conditionnement. Lorsqu’il était le propriétaire de cette installation, 3M y a pratiqué la fabrication de comprimés (granulation et pelliculage), de patchs transdermiques et d’aérosols. Axyntis cherche aujourd’hui des partenaires pour relancer ce type de fabrication, tant pour la pharmacie que pour la cosmétique. L’occasion de proposer une prestation one stop shop, de la fabrication d’ingrédients à la boîte de médicaments ou des produits cosmétiques.
Axyntis forme en interne ses opérateurs
Pour faire face à des difficultés de recrutement au niveau de ses opérateurs de production, le groupe Axyntis a décidé de se lancer dans la formation. En effet, l’équipe d’encadrement de Pithiviers a eu l’idée de mettre en place un programme de recrutement d’employés techniques, incluant de la formation, pour les amener à acquérir une compétence de Conducteur d’appareil de l’industrie de la chimie (CAIC). Une première promotion de cette « mini-université Axyntis » a débuté en 2023, avec six collaborateurs. Une deuxième promotion va démarrer en 2024, avec une dizaine de collaborateurs. Actuellement, Axyntis cherche à recruter une dizaine d’autres opérateurs de production à Pithiviers et cinq à Grasse, en plus des recrutements déjà réalisés depuis juillet dernier.
Source: L’Usine Nouvelle