Le géant pharmaceutique français va se désengager partiellement de la production de principes actifs. Sanofi veut regrouper une division commerciale et six usines européennes, dont deux en France, dans une entité indépendante pour la production d’ingrédients pharmaceutiques. Le projet vise une introduction en bourse en 2022, avec maintien de Sanofi à hauteur de 30% dans le capital et comme principal client. Une annonce qui intervient dans un contexte international de trop grande dépendance vis-à-vis de l’Asie, comme le rappelle la crise liée au coronavirus Covid-19.
Objectif, mettre sur pied le numéro deux mondial des principes actifs, derrière le leader suisse Lonza. Le géant français Sanofi a enclenché lundi 24 février un projet de spin-off d’une partie de ses activités de production d’ingrédients pharmaceutiques actifs (API), notamment pour le compte de laboratoires tiers. D’ici à 2022, cette entité affichant un chiffre d’affaires annuel de l’ordre de 1 milliard d’euros, disposant d’un catalogue de plus de 200 principes actifs écoulés auprès de plus de 600 clients dans 80 pays, fonctionnerait de manière indépendante.
L’entité regrouperait 3 100 salariés du groupe pharmaceutique français, et six usines en Europe : Brindisi en Italie, Haverhill au Royaume-Uni, Ujpest en Hongrie, l’unité Francfort Chimie du complexe de Sanofi à Francfort en Allemagne, ainsi que les usines de Saint Aubin les Elbeuf (Seine-Maritime) et Vertolaye (Puy-de-Dôme). Sanofi envisage de conserver 30% du capital de cette entité, qui sera renommée et serait introduite, sans dette, sur Euronext Paris d’ici à 2022, sous réserve de conditions de marché favorables.
DOUBLER LA CROISSANCE
Sanofi estime que ce projet permettrait à cette activité de production d’API de doubler sa croissance, qui s’est établie autour de 3% par an ces trois dernières années, sur un marché pourtant en croissance de près du double. « Aujourd’hui cette activité est un peu bridée dans le giron de Sanofi », justifie Philippe Luscan. Le vice-président exécutif des affaires industrielles du groupe estime en particulier que « certains laboratoires désireux de développer de nouveaux principes actifs ne veulent pas venir aujourd’hui chez nous, Sanofi, car nous représentons d’abord un concurrent ».
CORONAVIRUS ET DÉPENDANCE ASIATIQUE
Le second facteur favorable pour ce projet est la très forte dépendance de l’Europe pour ses API indispensables à la production des médicaments sur son sol. 60% de ces principes actifs sont aujourd’hui importés d’Asie, à hauteur de 40% de Chine et 20% d’Inde environ, selon Sanofi. Ce qui entraîne parfois des risques de ruptures d’approvisionnement et de pénuries, comme illustré actuellement par la crise du coronavirus Covid-19.
« Nous avons des demandes de clients qui reviennent aujourd’hui vers l’Europe car ils n’arrivent plus à être fournis », indique d’ailleurs Philippe Luscan. Lequel souligne aussi que « historiquement, l’Europe avait un déficit de compétitivité pour les principes actifs par rapport à l’Asie mais, entre des hausses de prix venant d’Asie et parfois des manques de qualité, ce delta de compétitivité est en train de se resserrer ».
Sanofi avait de son côté fait le pari de garder en propre un maximum de capacités, principalement en Europe. Le groupe français produit lui-même 70% de ses principes actifs, et ne dépend qu’à 5% de l’Asie pour ce segment.
COLÈRE DES SYNDICATS
En 2017, Sanofi avait déjà engagé un projet un peu semblable avant d’y renoncer. A l’époque, l’objectif était un désengagement plus important avec la vente de l’activité de production d’API pour le compte de tiers, et la cession des deux usines françaises concernées aujourd’hui et de celle implantée en Hongrie. Ce qui avait provoqué la colère des syndicats. Ces derniers, déjà échaudés ces derniers mois par plusieurs projets de restructuration dans le groupe, ne semblent d’ailleurs pas tous emballés par l’annonce d’une entité indépendante. La CGT estime que Sanofi « vide la coquille ». La CFE-CFDT évoque une décision « incompréhensible » et accuse le groupe de vouloir « démanteler la branche chimie du groupe ».
SANOFI, PREMIER CLIENT DE L’ENTITÉ
Une accusation démentie par Philippe Luscan, qui précise que sur les onze usines chimiques actuelles du groupe, cinq resteront entièrement dédiées aux besoins des médicaments de Sanofi. Les six désignées pour rejoindre la future entité produisent « pour un peu plus de 50% pour des laboratoires tiers, et un petit 50% pour Sanofi. L’objectif est d’accroître de l’ordre de 10% la part pour les tiers », ajoute Philippe Luscan, qui évoque au passage de possibles augmentations de capacités. Par ailleurs, en plus de conserver une part minoritaire au capital, Sanofi prévoit de rester le premier client de la future entité, avec la garantie de contrats à long-terme. Sur le plan social, le groupe évoque aussi un maintien du statut actuel des salariés concernés par le spin-off.
Source : Usine Nouvelle